Au XXe siècle : « baby boom » et explosion démographique des pays en développement
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere.
La saignée des guerres mondiales
La Première Guerre mondiale, « grand tournant de l’histoire économique moderne » (GALBRAITH, Voyage dans le temps économique, 1995), a fait 1,4 million de morts en France et 1,8 million en Allemagne.
Rapporté à la population des pays, c’est la France qui a payé le tribut le plus cher (elle avait 39 millions d’habitants, contre 65 millions en Allemagne).
La France de l’entre-deux-guerres souffre par conséquent du problème des classes creuses. En raison de la mort de millions de jeunes hommes (80 % des victimes avaient entre 17 et 25 ans), le nombre des naissances chute – la population aurait ainsi diminué sans une forte immigration.
Alfred SAUVY (Histoire économique de la France entre les deux guerres, 1984) met en évidence une autre conséquence problématique : les élites françaises ont été décimées. Une grande majorité des étudiants des grandes écoles, promus officiers pendant la guerre, ne sont en effet pas revenus. La Deuxième Guerre mondiale fera pour sa part plus de cinquante millions de morts tous pays confondus.
Baby-boom, politique familiale et urbanisme
« Le baby-boom correspond à une période de rattrapage après une cassure négative dans une évolution démographique » (Frédéric TEULON, Dictionnaire d’histoire, économie, finance, géographie). Historiquement, il s’agit d’une période de forte natalité qui commence vers 1945 et qui dure jusqu’au milieu des années 1960. Parmi ses causes, on peut citer :
- le retour des soldats mobilisés et des prisonniers ;
- la conclusion de mariages retardés par la guerre ;
- les politiques natalistes de la IVe, puis de la Ve République, avec leurs incitations fiscales.
La France est confrontée, comme bon nombre de pays d’Europe continentale, à de graves pénuries de logements. L’État français lance donc dès 1945 de grands projets urbanistes avec la construction de grands ensembles, puis des villes nouvelles comme Cergy-Pontoise (créée en 1972). En France, l’urbani-sme a été en partie planifié par l’État. On peut parler d’un urbanisme de masse standardisé dont LE CORBUSIER est la figure de proue : « tous les hommes sont faits dans le même moule, donc ils peuvent habiter de la même façon », affirme l’architecte.
L’immigration des Trente Glorieuses
Un problème quantitatif se pose sur le marché de l’emploi au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale : les anciens pays belligérants d’Europe manquent cruellement de main-d’œuvre. Une immigration massive est donc favorisée pour répondre aux besoins de l’économie et supprimer les goulets d’étranglement ; autrement dit, on a recours aux « hommes tout faits » (SAUVY). L’Office National d’Immigration est donc créé en 1945 pour superviser l’entrée de plus de 60 000 personnes (en moyenne) chaque année, pendant les Trente Glorieuses, sur le territoire français.
La France recherche initialement des travailleurs, mais elle facilite et encourage aussi l’immigration des familles dans une optique démographique. Gérard NOIRIEL (Le Creuset français, 1988) montre que le nombre d’immigrés y est passé de un à quatre millions en l’espace d’un siècle. Le regroupement familial est légalisé par un décret de 1976. Avec la crise des années 1970, cependant, l’entrée sur le territoire et les conditions d’obtention d’un permis de séjour se durcissent. Une politique d’aide au retour volontaire est mise en place dès 1977.
L’explosion démographique et le retour des thèses populationnistes
« Un homme, c’est une bouche à nourrir, mais deux bras pour travailler » : le rôle ambivalent de la démographie est ainsi mis en évidence par Mao ZEDONG. Historiquement, l’explosion démographique du tiers-monde a longtemps été perçue comme un danger en témoigne le succès rencontré par le livre de Paul EHRLICH, The Population Bomb (1968). Les thèses malthusiennes sont donc remises au goût du jour : les conférences de Bucarest (1974) et de Mexico (1984) cherchent à prendre à bras le corps l’enjeu démographique.
La condition sine qua non du développement est selon François PERROUX la « couverture des coûts de l’homme », c’est-à-dire la satisfaction des besoins fondamentaux de la population, à commencer par l’alimentation. Or, cet impératif peut être compromis par une évolution démographique trop rapide au regard de l’étendue des terres cultivables. Ainsi, la superficie mondiale des terres cultivées a cru de 4,5 % entre 1980 et 2005, tandis que la population augmentait dans le même temps de 45 %.