La situation actuelle
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere
Les mécanismes de l’endettement des ménages américains
Le taux d’épargne des ménages américains était de 0 % en 2007, à la veille de la crise. Autrement dit, ces ménages consommaient l’intégralité de leur revenu.
Au même moment, le taux d’épargne était de 40 % en Chine, et une part significative de cette épargne était placée aux États-Unis. Schématiquement, on peut donc dire que l’épargne chinoise finançait (et finance toujours) l’endettement des ménages américains. En 2005, Ben BERNANKE (alors président du Conseil économique de la Maison-Blanche) attribuait la responsabilité de l’endette-ment des ménages américains à l’excès d’épargne mondiale (« global saving glut »), non à l’excès de consommation des Américains.
La course à la consommation (et donc à l’endettement) des ménages peut être expliquée par le mimétisme social et les inégalités. L’économiste français Romain RANCIÈRE parle ainsi de « cascade de consommation ». Si l’on divise la société en groupes de ménages classés en fonction de leur richesse, on observe que les ménages les plus riches sont ceux qui ont profité de la déréglementation : ils ont vu leur revenu augmenter et ont consommé davantage. En revanche, le groupe situé « en dessous » a lui moins prospéré ; comme il souhaite pourtant consommer autant, il s’endette – et il en va de même pour le groupe encore en dessous.
En bas de la pyramide sociale, là où se situent les « perdants » de la déréglementation, les salaires ont stagné et les ménages se surendettent pour rattraper les standards de consommation des groupes plus aisés. Il en découle une accumulation de dettes. On peut même aller encore plus loin en remarquant que l’excès d’épargne des riches se place en réalité sous forme de crédits auprès des ménages pauvres. Entre 2000 et 2006, les crédits destinés aux ménages pauvres sont passés de 7 à 25 % des prêts immobiliers (soit un marché de 14 000 milliards de dollars).
Les évolutions de la conception de la famille
« Nous sommes passés très progressivement (en quelques siècles) du mariage au mariage d’amour, puis au couple d’amour comme référence centrale » écrit Jean-Claude KAUFMANN (La trame conjugale, 1992). Historiquement, les sociétés sont donc passées du mariage arrangé au mariage d’amour, et enfin au couple d’amour, lequel a moins besoin de l’institution du mariage.
En 1999, le Pacte de solidarité active (PACS) est institué pour proposer une alternative au mariage. Le mariage homosexuel est voté en 2012 et il entre en vigueur en 2013, ce qui a provoqué de gigantesques mouvements de protestation, comme de soutien. Ceux-ci sont la preuve qu’en dépit de la multiplication et de la fragilisation des formes familiales et des couples, la famille demeure une priorité et un sujet de société très sensible.
Le grand retour des rentiers
« Le nombre de rentiers ne s’élève dans un État qu’aux dépens du travail et du commerce (…) le rentier étant un sujet inutile dont la paresse met un impôt sur l’industrie d’autrui » écrivait DIDEROT dans son Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. On qualifie par exemple aujourd’hui péjorativement les retraités aisés de rentiers, des rentiers qui sont particulièrement puissants du fait de leur épargne. Dans les pays anglo-saxons, où les systèmes de retraite par capitalisation sont la norme, l’épargne des retraités (et celle des futurs retraités) est gérée et investie par des fonds de pension. CalPERS (Californie) est probablement le plus connu, qui gère 300 milliards de dollars au profit des fonctionnaires de Californie. À l'échelle du monde tout entier, 36 000 milliards de dollars sont gérés par les fonds de pension.
Or, quand ces fonds investissements entrent dans une entreprise, ils attendent d’elle qu’elle génère le maximum de profit, lequel sera versé aux retraités sous forme de pensions. Il y a donc indirectement un conflit pour la répartition de la valeur ajoutée entre les salaires de la population active et les pensions des retraités. Alain COTTA (Une glorieuse stagnation, 2003) observe un conflit de générations entre la population active et les retraités en ce qui concerne l’arbitrage inflation/épargne. D’un point de vue keynésien, la politique monétaire doit faire un arbitrage entre l’inflation et le chômage. Les retraités ont intérêt à une faible inflation, car celle-ci réduit la valeur réelle de leur pension et de leur épargne, tandis que la population active préfère qu’il y ait de l’inflation plutôt que du chômage.