La situation actuelle : dépassement ou effondrement ?
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere.
Montée en puissance des PED
L’expression d’un « tiers-monde ignoré, exploité, méprisé » employée par Alfred SAUVY dans un article de L’Observateur en 1953 ne semble aujourd’hui plus valable.
En effet, la crise de la zone euro a mis en évidence la nouvelle situation des pays en développement (en premier lieu la Chine), alors au chevet de l’Europe parce que leurs capacités de financement se révélaient indispensables aux pays endettés. Claude MEYER (Chine, banquier du monde, 2014) montre comment la Chine est devenue le premier créancier des États-Unis.
Désormais, les BRICS[1] (expression de l’économiste de la banque Goldman Sachs, Jim O’NEIL) entendent bien défendre leurs intérêts et avoir leur mot à dire lors des négociations au sein des institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale). Pour sa part, le continent africain jouit depuis quelques années d’un taux de croissance annuel moyen de plus de 4 %. L’Amérique latine a pour sa part vu la pauvreté et la misère considérablement diminuer, comme au Brésil, où, sous la présidence de LULA (2003-2011), près de trente millions de personnes sont sorties de l’extrême pauvreté.
Croissance du PIB des BRICS (en %)
2000 2007 2015
Brésil 4 6 -4
Russie 10 8,5 -3,7
Inde 4 8,5 7,5
Chine 8,5 14 7
Afrique du Sud 4 5,5 1,5
(Données de la Banque mondiale)
Précarité des PED ?
HaJoon CHANG (Bad Samaritans : The Myth of Free Trade and the Secret History of Capitalism, 2008) montre que les chiffres sur la convergence des PED avec les PDEM sont faussés par les réussites asiatiques. Pour la plupart des pays, la situation n’a pas vraiment changé depuis une vingtaine d’années.
De plus, beaucoup d’économies émergentes reposent sur les exportations de matières premières. C’est par exemple le cas avec le gaz en Russie, ou le soja au Brésil. Or, les spécialisations agricoles et primaires restent très vulnérables aux variations erratiques des prix sur le marché international.
En Chine, comme en Russie ou au Brésil, les inégalités sociales et le manque de légitimité des élites politiques (les dirigeants chinois) ou économiques (les oligarques russes) alimentent une tension sociale potentiellement déstabilisatrice. Comme l’ont montré ALESINA et PEROTTI en 1996, des inégalités sociales trop importantes accroissent le risque d’instabilité politique. Le récent « Printemps arabe » (fin 2010) en est la preuve.
Indice de Gini (années récentes)
Brésil 53
Russie 41,5
Chine 42
France 33
(Données de la Banque mondiale)
La peur de l’Occident et les nouvelles opportunités
Les PED sont perçus à la fois comme une menace pour les entreprises (concurrents bénéficiant d’une compétitivité prix plus forte) et pour les salariés (délocalisation, pression à la baisse sur les salaires, perte des « acquis sociaux »…), mais aussi comme une opportunité. En effet, ces pays en croissance sont autant de débouchés potentiels : l’économiste de la Banque mondiale VAN AGTMAEL parlait déjà de « marchés émergents » en 1981, et non de « pays » émergents.
Les entreprises de luxe (en particulier françaises avec LVMH, Hermès, ou PPR-Kering) se sont implantées sur ces marchés et cherchent à profiter de la hausse du pouvoir d’achat de la classe moyenne, tout en visant particulièrement les élites de ces pays. Les prestataires de services peuvent aussi bénéficier de cet essor rapide : l’entreprise française Bolloré Africa Logistic est par exemple présente dans 45 pays africains. D’après le Boston Consulting Group (2012), il y a aura entre la Chine et L’Inde un milliard de personnes dans la classe moyenne à l’horizon 2020, soit plus que l’Europe et les États
[1] Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.