La situation actuelle : un « État modeste, mais omniprésent »
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere.
Quel sens pour l’État-nation dans le cadre de la mondialisation et des unions régionales ?
« Un pays c’est un État, une armée, une monnaie » selon l’expres-sion du général DE GAULLE. Cette conception classique a manifestement vieilli.
Membre de l’Union européenne, la France n’a en effet plus le même contrôle de son territoire ; l’État est soumis à des règles de fonctionnement fixées par les institutions supranationales de Bruxelles (comme le Pacte de stabilité et de croissance de 1997 qui encadre l’endettement) ; et la monnaie française est une monnaie commune, l’euro.
Pour autant, la montée en puissance géopolitique des « pays-continents » comme le Brésil ou la Chine incite bien les pays européens à se rassembler pour peser sur la scène internationale. Pour le démographe Emmanuel TODD (L’Illusion économique, 1998), l’effacement du concept de nation relève cependant d’un choix politique : « ce n’est pas la mondialisation qui dissout les nations, mais l’autodissolution des nations qui produit la mondialisation ».
La relance 2008-2009 et l’austérité
La crise économique a donné lieu au retour conjoint de l’État interventionniste (plan OBAMA de 800 milliards de dollars aux États-Unis, relance coordonnée de 200 milliards d’euros en Europe) et de l’État régulateur (avec certaines initiatives pour réguler la finance, notamment le Dodd-Frank Act de 2010 aux États-Unis). Il apparaît donc que l’État a encore un rôle indispensable pour (tenter de) juguler les crises.
Conséquence directe des différents plans de relance, la dette publique atteint des sommets : 95 % du PIB en France et dans la zone euro, 112 % aux États-Unis (2015). Se pose dès lors la question de la soutenabilité de ces dettes en raison de l’effet « boule de neige ». Les États sont ainsi tiraillés entre, d’une part, une poursuite de la relance (et donc de l’endettement), et d’autre part l’austérité budgétaire (pour réduire l’endettement et les incertitudes pesant sur leur solvabilité).
L'austérité est un « remède » qui ne fait pas consensus, car ses résultats sont plus que mitigés. Entre 2010 et 2015, l'austérité grecque a par exemple fait reculer le PIB de 25 %, tandis que la dette publique est passée dans le même temps de 133 % à 180 % du PIB[1]. Les allocations chômage ont baissé de 30 % et le chômage des jeunes a atteint 48 %. Entre 2010 et 2014, le nombre de suicides a augmenté de 100 %[2]. En 2013, le FMI a admis ses « échecs notables » dans le plan grec. L'austérité a engendré une poussée de violence politique et sociale sans vraiment assainir la situation économique. PONTICELLI et VOTH (Austérité et anarchie, 2011) ont mesuré sur la période 1919-2008 que la hausse des dépenses publiques tend à réduire la violence politique et sociale, tandis qu’une baisse les accroît.
La compétitivité et l’attractivité du territoire : une mission pour l’État
Dans une économie mondialisée où les firmes, les travailleurs, et les pays sont en concurrence, la compétitivité et l’attractivité du territoire sont des enjeux cruciaux. Ainsi, la France a par exemple opté pour la création de « pôles de compétitivité » (on en compte actuellement plus de 70) et pour des mesures fiscales incitatives, comme le crédit impôt recherche (pour attirer les IDE). En 2013, le Rapport GALLOIS proposait des axes de réformes pour renforcer la compétitive française : baisser les cotisations sociales (et augmenter la CSG et la TVA), assouplir le marché du travail, exploiter le gaz de schiste, sanctuariser les budgets de la recherche et renforcer le dialogue social.
Pour l'entrepreneur Laurent ALEXANDRE, les gouvernements français mènent une mauvaise stratégie de compétitivité : « L'État ne prépare pas le futur, mais défend de façon aveugle un passé révolu ». Il dépense l'argent du contribuable pour essayer de sauver Florange, au lieu d'adapter le pays au contexte économique et technologique actuel, ainsi qu'aux enjeux à venir. Car « nous sommes des nains dans la bataille mondiale des algorithmes et de l'intelligence artificielle », et la France court le risque de devenir une simple « colonie numérique » de la Silicon Valley (Google démocratie, 2011).
[1] Cet indicateur doit bien sûr mécaniquement augmenter, étant donné que le PIB décroît fortement.
[2] Source : Éloge de l’anormalité (2014), Matthieu Pigasse.