Le XIXe siècle
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere
L’épargne : une valeur fondamentale… et une ressource bien pratique
« La supériorité des occidentaux tient en dernière analyse au capitalisme, c’est-à-dire à la longue accumulation de l’épargne » écrivait l’historien Jacques BAINVILLE dans sa Fortune de la France (1937).
L’épar-gne des ménages est définie comme le solde des opérations d’utilisation du revenu, soit la différence entre le revenu disponible brut et la consommation finale. Valeur fondamentale au XIXe siècle, l’épargne permet l’accumulation de richesse et l’in-vestissement. Le rôle du système bancaire et des réseaux de banques commerciales est à son égard décisif.
En France, l’investissement industriel prend vraiment son essor avec la création des grandes banques de dépôt (la Société Générale créée en 1864, par exemple) qui vont drainer l’épargne des ménages pour l’investir dans de grands projets industriels. Pour cela, il faut inciter les particuliers à confier leur épargne à des banques plutôt que de la thésauriser. Le livret A est créé en 1818 pour favoriser ce type de comportement.
La consommation des ménages et le cas du textile
Dans son Histoire des choses banales. Naissance de la consommation, XVIIe-XIXe siècles (1997), l’historien Daniel ROCHE montre que la hausse progressive des revenus a entraîné une diversification des besoins, lesquels s’éloignent progressivement de l’ali-mentation pour se déplacer vers l’ameublement, les ustensiles de cuisine, puis les vêtements. Dès 1856, en effet, le statisticien Ernst ENGEL (Les conditions de production et de consommation du Royaume de Saxe) calculait que la proportion consacrée à l’alimen-tation diminue avec l’augmentation du revenu, tandis que celle consacrée aux loisirs, à la santé ou à l’éducation augmente, et que celle liée à l’habillement, au logement ou au chauffage reste constante.
Si les deux premiers effets semblent être vérifiés dans les faits, le troisième reste discutable. Comme l’a montré Daniel ROCHE, les dépenses liées à l’habitation ont en réalité progressé parallèlement à l’augmentation du niveau de vie, et il en est allé de même pour l’habillement. La création de grands magasins (comme celle du Bon Marché, en 1852, par Aristide BOUCICAUT) stimule les dépenses vestimentaires des populations urbaines.
Le romancier naturaliste Emile ZOLA analyse ce phénomène dans Au Bonheur des dames (1882). Il décrit notamment la capacité des gestionnaires de ces magasins à jouer avec le désir de leur clientèle pour les pousser à l’achat. Après être passée dans les grands magasins, « la clientèle, dépouillée, violée, s’en allait à moitié défaite, avec la volupté assouvie et la sourde honte d’un désir contenté au fond d’un hôtel louche ».
La famille et l’enfance
« La famille est le lieu symbolique où se construisent les rapports sociaux. Dans la famille, chaque individu s’inscrit dans des liens qui n’ont pas commencé avec lui et qui ne cesseront pas avec lui » écrit Claude LÉVI-STRAUSS dans Les structures élémentaires de la parenté (1948). Les structures familiales ne donc restent pas à l’écart des bouleversements du XIXe siècle.
On peut par exemple observer un nouveau rapport à l’enfant. Philippe ARIÈS (L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, 1975) observe ainsi l’apparition d’un « sentiment de l’enfance », c’est-à-dire d’une relation fondée de plus en plus sur l’éducation, le droit au jeu et l’affection. On passe aussi de la famille étendue (où plusieurs générations vivent sous le même toit) à la famille nucléaire (où les parents vivent juste avec leurs enfants, jusqu’au mariage de ces derniers).
Emile DURKHEIM (La famille conjugale, 1892) décrit une réduction de la taille de la famille qu’il nomme « loi de contraction ». Cette évolution s’explique par les effets conjugués de l’urba-nisation, de la scolarisation et de la généralisation du mariage dit bourgeois (à la fois civique et religieux). La Révolution française n’y est pas non plus pour rien, qui a développé le mariage laïc en 1792. En ce qui concerne le pouvoir respectif des différents membres de la famille, enfin, le pouvoir paternel (hérité du droit romain : le pater familias) reste toutefois la règle : il est d’ailleurs ancré dans le Code Napoléon (1804).