Le XIXe siècle : mouvement des prix, formation des systèmes monétaires et bancaires
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere.
La monnaie : une innovation par rapport au troc ?
Adam SMITH (La Richesse des nations, 1776) conçoit les individus comme ayant une propension naturelle à l’échange. Dans une approche évolutionniste de la monnaie, on serait donc passé du troc à l’échange monétaire. La monnaie serait alors une innovation technique qui aurait remplacé le troc.
Depuis ARISTOTE, on reconnaît à la monnaie trois fonctions principales : elle est à la fois
- une unité de compte ;
- un instrument d’échange ;
- et une réserve de valeur.
Cette approche évolutionniste est aujourd’hui contestée du fait des travaux d’anthropologues tendant à montrer que le troc est une vue de l’esprit. Jean-Michel SERVET montre par exemple dans Nomismata (1984) que les économies dites primitives étaient déjà basées sur un système de créances et de dettes dont les règlements se faisaient par l’utilisation de biens (les coquillages, le sel, etc.) qui servaient ainsi de monnaie.
L’inflation au XIXe siècle
Au XIXe siècle, l’inflation était en moyenne de 0,25 % par an. De très fortes variations des prix se cachent cependant derrière cette moyenne. Comme l’a montré KONDRATIEFF (Les Vagues longues de la conjoncture, 1926), on peut observer sur le siècle des périodes de hausse des prix (ou inflation) qui accompagnent l’expansion économique, et des périodes de baisse brutale des prix (ou déflation) lors de la dépression. Entre 1893 et 1894 (crise financière aux États-Unis, en Italie ou en Grèce), par exemple, on assiste à une baisse du niveau général des prix de 18 %.
Les formes prises par la monnaie[1]
« Nous autres Espagnols souffrons d’un mal que seul l’or peut guérir » aurait déclaré le conquistador Hernán CORTÈS au XVIe siècle. Les métaux ont toujours possédé une valeur intrinsèque, c’est pourquoi les monnaies ont d’abord été des monnaies métalliques. Entre le XIIIe et le XIXe siècles se développe le bimétallisme : la monnaie est frappée en or ou en argent, le plus souvent avec un rapport prédéfini entre les métaux. En 1717, l’Angleterre opte pour le monométallisme-or, décision confirmée en 1844. Au XIXe siècle, la généralisation de l’étalon-or (cf. chapitre sur le SMI) fait de l’or la référence pour la majorité des monnaies.
Les découvertes d’or faites dans la période 1848-51 permettent l’accroissement de la circulation monétaire de 30 %. L’autre grande tendance du XIXe siècle concernant les formes monétaires est l’essor de la monnaie fiduciaire : les billets de banque circulent de plus en plus. Ces billets en circulation correspondaient à de l’or conservé dans une banque et étaient convertibles en théorie à tout moment. Avec la victoire des thèses du Currency Principle[2] de David RICARDO, l’émission de billets était contrainte par le volume de métaux en stock.
Il faut dire que la monnaie fiduciaire n’est pas sans danger, surtout quand elle est déconnectée de la quantité de métaux précieux. La banque de Suède (Sveriges Rijsbank) tente par exemple en 1656 l’émission de billets purement fiduciaires. En France, le banquier écossais John LAW, un temps ministre des Finances de Louis XV, met en place une stratégie similaire, le « système de Law » (1715-1720), pour faire face aux difficultés financières de l’État, mais il génère ce faisant une crise financière en 1721. Celle-ci est marquée par la perte de confiance des agents dans la monnaie et dans les institutions monétaires.
[1] Cf. le chapitre sur le Système monétaire international.
[2] Ce principe stipule la nécessité de l’égalité entre la quantité de billets mise en circulation et son fondement véritable, la quantité d’or.