Le XIXe siècle : révolution industrielle, cycles et crises
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere.
L’entrée dans une phase de croissance inédite
« Jusqu’au dix-huitième siècle, le système vivant est enfermé dans un cercle presque intangible. La circonférence est-elle atteinte, il y a presque aussitôt réaction » écrit Fernand BRAUDEL dans La Dynamique du capitalisme (1985).
À partir du XVIIIe siècle, cependant, les économies européennes font l’expérience de « l’éclatement des frontières de l’impossible ». L’avènement de l’économie de marché et la libération des forces productives permettent de passer d’une économie de subsistance à une prospérité croissante, ainsi que l’ont montré les travaux du statisticien Angus MADDISON (Les phases du développement capitaliste, 1981) :
- entre l’an 500 et 1500, le taux de croissance annuel moyen (TCAM) a été de 0 % ;
- entre 1500 et 1700, de 0,3 % ;
- l’ère de la croissance est inaugurée par la période dite du « capitalisme commercial » avec un TCAM de 0,6 % (1700-1820) ;
- la croissance a réellement décollé avec le « capitalisme industriel » : TCAM de 2,5 % entre 1820 et 1980.
La croissance du XIXe siècle a été tirée par des secteurs moteurs
L’industrie textile, puis les métiers de la sidérurgie et des chemins de fer enclenchent et entretiennent le processus de croissance de la révolution industrielle. C’est ainsi qu’entre 1850 et 1913, le nombre de kilomètres de chemin de fer dans le monde passe de 350 000 à 1 000 000, de quoi tirer la croissance économique grâce à des effets d’entraînement.
Cette croissance est aussi le fruit de lourds investissements. Walt Whitman ROSTOW (Les étapes de la croissance économique, 1960) estime qu’un taux d’investissement de 20 % est nécessaire pour qu’un pays entre dans une phase dite de « décollage » (ou de take off). Le décollage s’insère dans un schéma de développement linéaire selon lequel tout pays doit passer de la société traditionnelle (agricole) aux conditions préalables nécessaires au décollage (évolution des mentalités, émergence des comportements d’en-trepreneurs), puis au décollage à proprement parler, pour arriver à la marche vers la maturité, et enfin à l’âge de la consommation de masse.
Pourtant, Douglass NORTH et Robert FOGEL (les deux prix Nobel de 1993) ont montré que les secteurs dits moteurs, et en particulier les chemins de fer, n’ont eu en réalité qu’un impact marginal sur la croissance. Pour eux, le facteur principal de la croissance a résidé dans les changements institutionnels, tels que la garantie de la propriété privée.
Des crises aussi violentes que diverses
Il existe beaucoup de crises différentes ; elles se sont succédé, mais elles ont aussi cohabité dans le temps. On peut citer les crises d’Ancien Régime – décrites par LABROUSSE et GOUBERT – qui éclatent consécutivement à de mauvaises récoltes (ce qui diminue le pouvoir d’achat des paysans, puis celui des urbains à cause d’une hausse des prix) dans la première moitié du siècle (par exemple, la disette de 1816-1817). Par la suite, en raison du développement conjoint de l’agriculture et de l’industrie, les crises seront mixtes, comme en 1847-48 en France.
À partir de la seconde moitié du siècle, les crises sont des crises industrielles. C’est par exemple le cas en 1857, simultanément en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
Les crises sont souvent aussi des crises financières et bancaires. En 1873 commence une période appelée la « Grande Dépression », qui se termine en 1896. Elle est ponctuée de plusieurs secousses : en 1873, un krach boursier et la faillite du Kredit Anstalt en Autriche touchent la sidérurgie et les chemins de fer ; en 1882, la spéculation dans le secteur des chemins de fer est responsable d’un krach et de faillites bancaires (l’Union générale, par exemple) ; en 1890, la faillite de la banque anglaise Barings touche toute l’industrie (cette banque sera sauvée par la banque d’Angleterre et refera faillite pour disparaître en 1995).
Une économie cyclique
KITCHIN ou JUGLAR ont respectivement mis en évidence l’existence de cycles courts (42 mois) et de cycles de moyen terme (8-10 ans). Nikolaï KONDRATIEFF (Les vagues longues de la conjoncture, 1926) montre que le XIXe siècle est marqué par deux cycles longs (de 40 à 60 ans) : 1790-1849 et 1849-1896. SCHUMPETER (Théorie de l’évolution économique, 1912) complète la théorie des cycles en montrant que les cycles de durées différentes s’insèrent les uns dans les autres et que les cycles longs sont le fait de la dynamique d’innovation. Des innovations sont à l’origine de la fameuse « destruction créatrice » dans laquelle les nouvelles structures économiques nées des innovations détruisent et remplacent les précédentes.
Cycle Durée Cause
Kondratieff 40 à 60 ans innovation
Kuznets 15 à 25 ans investissement
Juglar 8 à 10 ans crédit
Kitchin 3 à 4 ans stocks