Le XIXe siècle : une première organisation du SMI autour de la Grande-Bretagne
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere
Les origines de l’étalon-or : du bimétallisme au monométallisme
D’un point de vue historique, une monnaie a de la valeur à la condition qu’elle soit constituée d’un métal précieux, or ou argent de préférence, ou bien que les billets soient convertibles en métaux précieux.
Au XVIIIe siècle, il existe deux régimes monétaires : le bimétallisme (deux métaux utilisés) ou le monométallisme (un seul métal). Dès 1717, la Grande-Bretagne fait le choix du monométallisme or et fait en sorte d’assurer la convertibilité des billets en circulation. Les guerres napoléoniennes contraignent cependant le pays à interrompre ce système avec le Bank Restriction Act de 1797.
Le retour à une convertibilité or entraîne une intense controverse théorique dans laquelle deux camps s’affrontent. Pour le Banking Principle de TOOKE et FULLARTON, la création monétaire doit reposer sur le crédit pour permettre le développement des affaires. En revanche, le Currency Principle de David RICARDO soutient que le volume de monnaie fiduciaire en circulation doit être indexé sur le stock d’or disponible.
Le Bank Charter Act de 1844 signe la victoire du Currency Principle. Néanmoins, comme le note R. S. SAYERS (Ricardo’s View On Monetary Questions, 1953), RICARDO proposait une convertibilité en lingots (Gold Bullion Standard), ce qui a l’avantage de limiter la demande de conversion.
La généralisation de l’étalon-or
Le système de l’étalon-or va se généraliser à partir des années 1870. Selon Charles KINDLEBERGER, c’est son adoption par l’Allemagne en 1871 avec la loi monétaire prussienne qui accélère la propagation du système. Aux États-Unis, le Coinage Act de 1873 démonétise l’argent, après quoi il ne reste alors plus que l’or. La France adopte pour sa part l’étalon-or en 1876.
Le système repose sur quatre règles de fonctionnement : les monnaies nationales sont définies par un poids d’or (7,32 grammes d’or fin pour la livre sterling, la monnaie référence de l’époque) ; les monnaies fiduciaires sont convertibles à vue ; la libre circulation de l’or est garantie ; et des taux de change des monnaies sont fixés en fonction de leur poids d’or.
Le système prévoyait que la banque centrale hausse son taux d’escompte en période de fuite de métal précieux et qu’elle le baisse en période d’afflux, mais comme le montrera le rapport MACMILLAN en 1929, cela renvoyait plus à « l’art qu’à la science économique ». Selon David RICARDO (Le Prix élevé du lingot, 1811), ce système présente deux avantages. Premièrement, il facilite le commerce. Deuxièmement, il permet un rééquilibrage automatique des balances de paiements : l’apparition d’un déficit commercial provoque une sortie d’or, laquelle se traduit par un surcroît de compétitivité ; s’ensuit l’apparition d’un excédent, qui génère des rentrées d’or.
Le rôle de la livre sterling et de la City
Jacques MERTENS (La naissance et le développement de l’étalon-or, 1945) écrit que Londres était le « chef d’orchestre du gold standard ». Cela était dû au fait que les règlements internationaux se faisaient par lettres de change émises par les banques londoniennes. Ainsi, la masse monétaire était de plus en plus scripturale et détachée de l’or. La puissance industrielle de l’Angleterre a précédé sa puissance financière, si bien qu’à la fin du siècle, la livre sterling ou les lettres de change en sterling étaient un moyen de paiement accepté partout. On peut par conséquent parler d’un étalon sterling plus que d’un étalon-or. Pour Robert TRIFFIN, le XIXe siècle a constitué « l’euthanasie des monnaies or ». Ainsi, en 1914, 64 % des réserves de change sont en livres sterling, contre 15 % en francs et 15 % en marks.
Le moyen de paiement international était la lettre de change tirée sur les maisons d’acceptation londoniennes et escomptées par les maisons d’escompte de la City. À la même époque, la masse monétaire britannique était composée à 63 % de monnaie scripturale détachée de l’or. L. M. JACOBS (Bank Acceptances, 1910) dénonçait alors le pouvoir financier et monétaire de Londres quand il écrivait : « les importateurs américains dépendent donc de Londres dans une large mesure, et doivent payer un tribut annuel considérable sous forme de commission d’acceptation. Non seulement de telles pratiques accroissent l’importance de Londres, mais elles paralysent le développement de New York comme centre financier international et sont préjudiciables à nos exportations ».