Le XXe siècle
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere
Ruiner les épargnants n’est pas toujours une bonne idée : le cas de l’hyperinflation
Pour John Maynard KEYNES, l’épargne est un vice (« l’épargne est une névrose »). La théorie keynésienne estime en effet que c’est la consommation qui est à l’origine de la croissance et de l’investissement, et non pas l’épargne.
Les entrepreneurs produisent et investissent pour répondre à une demande anticipée. KEYNES (Les effets sociaux des fluctuations de la valeur de la monnaie, 1923) montre que l’inflation est avantageuse, car elle ronge l’épargne et provoque donc ce qu’il appelle « l’euthanasie des rentiers ».
Cependant, l’inflation n’est pas l’hyperinflation. En 1923-24, l’hyperinflation allemande (4,2 billions de marks pour 1 dollar avant la réforme de 1923) ruine les épargnants allemands (soit la classe moyenne). Elle est depuis considérée, avec l’austérité des années 1930, comme une des causes économiques et sociales de la montée du nazisme : « ainsi périssent les civilisations », conclura Karl POLANYI dans La Grande Transformation (1944). L’épargne a une valeur psychologique importante pour les ménages : la négliger peut conduire à déstabiliser toute une société.
La consommation de masse
La consommation de masse était apparue lors de la Belle Époque (1896-1914) et des Années folles (1920-1929), mais elle était circonscrite aux classes aisées. À partir des années 1950, elle se généralise en se propageant à presque toute la population. Le fordisme permet à la fois la standardisation des produits, la production de masse, et des hausses salariales régulières. Michel AGLIETTA et Robert BOYER parlent d'un « compromis fordiste » pour qualifier le partage avec les salariés de la valeur ajoutée issue de la mise en place des procédés fordistes. Cette nouvelle répartition permet d'augmenter le niveau de vie des ménages, mais aussi de soutenir la demande, donc la croissance et l'emploi.
Le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) créé en 1950 et les hausses des salaires soutiennent la consommation des ménages. Entre 1950 et 1975, le pouvoir d’achat des Français a ainsi été multiplié par deux et demi. Entre 1946 et 1972, par ailleurs, le nombre de voitures passe en France d’un à quinze millions. Les hypermarchés sont le symbole de cette consommation de masse. Le premier magasin E. Leclerc est créé en 1964, le premier Auchan en 1967.
La critique de la société de consommation
L’homogénéisation et la massification de la consommation donnent lieu à de virulentes critiques à l’encontre de la « société de consommation ». En 1964, Herbert MARCUSE (L’Homme unidimensionnel) tire à boulets rouges sur une société où tout est marchandise et où des besoins factices aliènent l’homme. Jean BAUDRILLARD (La Société de consommation, 1970) poursuit cette réflexion en constatant que les objets de consommation n’ont plus une valeur fondée sur l’usage, mais sur les symboles qu’ils représentent. La consommation serait donc le fruit d’un conditionnement et d’une influence extérieure.
La publicité et les méthodes de communication permettraient d’entretenir cette influence. Dès 1928, Edward BERNAYS (Propaganda, Comment manipuler l’opinion en démocratie) explique comment manipuler l’opinion publique pour lui imposer des choix politiques ou des choix de consommation. Il s’appuie notamment sur les méthodes utilisées par le gouvernement américain en 1917 pour convaincre l’opinion publique américaine de la nécessité de participer à la Première Guerre mondiale. BERNAYS se distinguera dans les années 1920 comme celui qui a réussi à faire fumer les femmes américaines. Alors qu’une femme qui fumait en public était considérée comme une prostituée, sa campagne en a fait un symbole d’émancipation. Le chiffre d’affaires des fabricants de tabac a été multiplié par deux.
John Kenneth GALBRAITH (Le Nouvel État industriel, 1965) parle de « filière inversée » pour désigner la capacité des grandes entreprises à manipuler le consommateur. À la fin de la journée, cependant, il n’y a pas nécessairement de rapport entre le confort matériel et le bonheur. Albert HIRSCHMAN (Bonheur privé, action publique, 1983) montre que les ménages font l’expérience de la déception et de la lassitude face aux produits et à leur renouvellement permanent.
La famille dans la seconde moitié XXe siècle
Le patriarcat reste la norme après la Deuxième Guerre mondiale. À partir des années 1960, cependant, cette asymétrie entre l’homme et la femme dans la famille va progressivement s’atténuer, et l’égalité juridique va apparaître. La femme obtient par exemple en 1965 le droit d’utiliser un carnet de chèques sans l’autorisation de son mari… ce qui constituait une avancée pour l’époque. En 1970, l’autorité parentale conjointe remplace la puissance paternelle. La loi NEUWIRTH (1967) sur la contraception, ou encore la Loi Veil (1975) sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), donnent plus d’autonomie à la femme.
Les transformations touchent aussi le mariage. En 1972, le nombre de mariages atteint son maximum (400 000) et il a toujours baissé depuis (230 000[1] en 2014, pour une population supérieure). On assiste parallèlement à une poussée significative du divorce (le divorce par consentement mutuel est autorisé en 1975), et les naissances hors mariage sont de plus en plus courantes. En 1998, Irène THIERY (Couples, filiation et parenté aujourd’hui) met en évidence trois tendances qui caractérisent désormais la famille :
- l’individualisation : la famille est plutôt un lieu d’échanges interindividuels ;
- la privatisation : la sphère familiale ne tolère pas l’intrusion des normes collectives en son sein ;
- la pluralisation : il existe une pluralité de formes familiales.
[1] Cette statistique concerne les mariages de personnes de sexes différents.