Le XXe siècle : la nécessité d’organiser le libre-échange
La Première Guerre mondiale et le commerce international
La Première Guerre mondiale, ce « grand tournant de l’histoire économique moderne » selon l’expression de GALBRAITH dans Voyage dans le temps économique (1995), entraîne de profonds bouleversements dans le commerce international.
Le commerce extérieur de l’Allemagne s’effondre en raison du blocus maritime et de la guerre sous-marine (à partir de 1916). En revanche, les échanges entre la Grande-Bretagne et la France, d’un côté, et les États-Unis de l’autre, sont multipliés par trois.
Alors que l’Europe était le centre du commerce international avant la guerre, celle-ci a largement profité aux États-Unis ainsi qu’aux pays périphériques. À la sortie de la guerre, l’Europe a perdu son leadership commercial sur le reste du monde.
La crise des années 1930 et le commerce international
La crise économique des années 1930 enferme les échanges commerciaux internationaux dans un cercle vicieux. Elle est en effet responsable d’un « véritable effondrement du commerce international » (BAIROCH), un effondrement qui accentue à son tour la crise.
On estime ainsi qu’entre 1929 et 1932, le commerce international a chuté de 60 % en valeur, alors qu’on assiste à une surenchère de mesures protectionnistes entre les pays. Par exemple, l’Angleterre répondra aux tarifs américains Hawley-Smoot de 1930 par l’Import Duties Act de 1932. EICHENGREEN et IRWIN (The Slide To Protectionism During The Great Depression, Who Succombed And Why, 2010) voient ces stratégies nationales comme responsables de l’aggravation de la crise.
À cela s’ajoute le « protectionnisme monétaire » (CORDEN) qui prend la forme de dévaluations. Celles-ci permettent de renforcer la compétitivité prix et de gagner des parts de marché au détriment des partenaires commerciaux, chez lesquels on essaie d’exporter son chômage et sa crise. La livre sterling sera ainsi dévaluée de 30 % en 1931, le dollar américain est détaché de l’or en 1933, puis dévalué de 40 % en 1934.
La formation de blocs commerciaux est une autre conséquence marquante de la crise. L’Angleterre, par exemple, se recentre sur son empire colonial dans le cadre des Accords d’Ottawa (1932) qui instituent la préférence impériale au sein du Commonwealth.
Organiser le libre-échange après la Seconde Guerre mondiale
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il existe un consensus sur la nécessité d’organiser le libre-échange pour éviter un retour à un protectionnisme digne des années 1930. C’est pourquoi le 30 octobre 1947, vingt-trois pays représentant 80 % du commerce international signent le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade). Il s’agit d’un accord multilatéral de libre-échange qui organisera des tours (rounds) de négociation entre les pays membres destinés à faire reculer les barrières protectionnistes.
Entre 1964 et 1967, le Kennedy Round réussit par exemple à faire baisser les droits de douane de 35 % sur les biens industriels et de 20 % sur les biens agricoles. C’est grâce à cette coopération que la crise issue des deux chocs pétroliers (1973 et 1979) n’a pas donné lieu à une vague de protectionnisme. Le commerce international chute certes de 7,5 % en 1975, mais pour croître de 12 % en 1976 et ainsi dépasser le niveau de 1974.
En 1995, l’OMC (Organisation mondiale du commerce) prend le relais du GATT. Il s’agit cette fois-ci d’une organisation internationale (et non d’un simple accord) dont la vocation est de fixer les règles du jeu entre les différents pays membres. En cas de litige entre deux ou plusieurs pays, l’Organe de règlement des différends (ORD) doit trancher. Avec le GATS (1994), l’OMC prend en compte les services ; puis elle intègre la propriété intellectuelle avec les accords TRIPS de 1995.
Part des exportations mondiales dans le PIB mondial (en %)
1870 1913 1950 1973 1998
4,5 8 5,5 10,5 17
(Source : OCDE)
Les nouvelles formes de protectionnisme
Si les barrières tarifaires et les quotas reculent, le protectionnisme ne disparaît pas pour autant. Il subsiste par exemple dans les « restrictions volontaires aux exportations » (RVE) par lesquelles un pays accepte de limiter momentanément ses exportations pour un bien ou un secteur particulier vers un autre pays, en général dans le but de protéger, voire de sauver une industrie précise dans le pays bénéficiaire. En 1986, on dénombre plus de cent RVE dans le monde, et elles concernent à elles seules environ 10 % du commerce international.
Les barrières administratives constituent un autre outil protectionniste. Elles consistent simplement à compliquer l’entrée de marchandises dans un pays. L’affaire des magnétoscopes de Poitiers (1982) en est une illustration célèbre. Visant tout particulièrement les produits des entreprises japonaises, l’administration française avait imposé que tout magnétoscope entrant sur le territoire passe par le poste de douane de Poitiers, dont les agents avaient pour consigne de retarder de plusieurs mois l’achemine-ment vers la grande distribution !
Enfin, le protectionnisme peut prendre la forme de subventions (agricoles, entre autres). Les Américains considèrent par exemple que la politique agricole commune (PAC) européenne rentre dans cette catégorie, c’est pourquoi elle reste une pomme de discorde entre l’Union européenne et les États-Unis.