Le XXe siècle : recul de l’agriculture dans les PDEM, enjeu de nourrir les PED
Ceci est un article issu de livre L'essentiel de l'histoire économique publié en 2017 par Arnaud Labossiere
La « fin des paysans »
Comme l’a montré Alfred SAUVY (La machine et le chômage, 1981), les gains de productivité dans un secteur sont responsables de la perte d’emplois dans ce secteur.
Mais cette perte d’emplois est compensée par le développement d’un autre secteur, qui absorbe cette main-d’œuvre au chômage : c’est le mécanisme du « déversement ». En France, la rationalisation de l’agricul-ture, et le remplacement de la paysannerie par des professionnels de l’agriculture qui gèrent les exploitations d’une manière capitaliste signent la « fin des paysans ». Tel est le titre du célèbre ouvrage d’Henri MENDRAS, publié en 1967.
La fin des paysans a pu prendre d’autres formes, comme en URSS, où le phénomène est une fin au sens physique. Avec la collectivisation des terres et des exploitations, rassemblées dans des kolkhozes et des sovkhozes dans les années 1920, les paysans sont expropriés. Les paysans aisés, aussi appelés « koulaks », s’attireront les foudres de STALINE et beaucoup seront déportés au Goulag. Ils constituent l’entourage du romancier Alexandre SOLJENITSYNE lors de son long séjour au camp, relaté dans L’Archipel du Goulag (1973).
La révolution verte dans les plaines du Penjab
Les pays en développement (PED) connaissent aussi leur révolution agricole, que l’on appelle « révolution verte ». L’expres-sion désigne un bond technologique permis par les progrès de l’irrigation, par la mécanisation, par l’utilisation d’en-grais et par l’introduction de variétés à haut rendement. Les meilleurs résultats – en termes de productivité – ont été observés dans les plaines du Penjab, en Inde, où le revenu moyen a été multiplié par sept en vingt ans. Mais ces évolutions ont un prix : la pollution massive des sols et des sous-sols, ainsi que la ruine des petits exploitants contraints à l’exode rural.
Le siècle du pétrole
Au XXe siècle, le pétrole prend progressivement le relais du charbon comme énergie principale dans les pays développés à économie de marché (PDEM). Dans les années 1950 et 1960, ces pays passent même au « tout pétrole ». La consommation française de pétrole est par exemple multipliée par dix entre 1950 et 1970.
L’histoire du pétrole ne commence toutefois pas avec le XXe siècle. Les gisements de pétrole de Pennsylvanie sont découverts en 1859, et en 1870, le tycoon américain John. D. ROCKEFELLER crée l’entreprise de raffinage et de distribution Standard Oil, laquelle deviendra quelques années plus tard un monopole redoutable. L’automobile se démocratise au début du siècle, notamment grâce à la FORD T aux États-Unis, vendue à plus de quinze millions d’exemplaires. Pour Roland BARTHES (Mythologies, 1957), certaines automobiles, comme la Citroën DS, constituent des « mythes » : « Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique ».
Le pétrole est aussi au cœur d’enjeux géopolitiques majeurs. En 1960 est créée l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP[1]) lors de la Conférence de Bagdad, pour contrecarrer le pouvoir des grandes entreprises pétrolières occidentales. Des politiques de nationalisation mettent par la suite entre les mains des États de l’OPEP le contrôle des prix du baril. Une dizaine d’années plus tard, la guerre du Kippour (1973) entraîne un embargo des exportations de pétrole vers les alliés d’Israël : c’est le premier choc pétrolier. La guerre Iran-Irak de 1979 sera à l’origine du deuxième choc pétrolier. Dès 1974, Thierry de MONTBRIAL (Le désordre économique mondial) explique ainsi que les chocs pétroliers sont à l’origine d’une redistribution du revenu mondial en faveur des pays de l’OPEP.
La politique agricole commune (PAC)
L’agriculture joue un rôle important dans la construction européenne. La conférence de Stresa (1958) définit les objectifs d’une politique agricole européenne : il s’agit de la création d’un marché unique, de la préférence communautaire et de mécanismes de coopération. À partir de 1962 est mise en place la Politique agricole commune (PAC), dont les missions sont d’augmenter la productivité, d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs, de stabiliser les marchés, d’assurer l’approvision-nement, de garantir des prix et une qualité raisonnables.
Cette politique constitue d’un certain point de vue un refus clair de l’Union européenne (UE) de laisser libre cours au jeu du marché international. À partir de 1984, la PAC est réformée pour qu’elle fournisse une aide davantage structurelle et déconnectée du volume de production. La réforme de 2013 vise à accentuer la dimension environnementale et à offrir plus de flexibilité aux États tout en limitant les dépenses (maintenues par les prévisions sous les 60 milliards d’euros annuels).
[1] Les cinq pays fondateurs sont l'Arabie saoudite, l'Iran, l'Irak, le Koweït et le Venezuela.